Aujourd'hui 8 juillet, cela fait 3 mois.
D'abord, mon papa chéri, je vais éditer le texte que j'avais lu à tes funérailles (mon frère et ma sœur ont fait de même, mais ces textes relèvent de leur intimité) ... moi je veux dire comment je t'aimais à ma manière.
Mon Père ce héros, mon Papounet, mon Papa chéri,
Ces derniers mois, en plus de nos nombreux skypes, je t’écrivais
des mails pour te raconter des événements, des difficultés et des joies de mon quotidien – pas toujours
facile – mais aussi mes réflexions, mes questions, mes angoisses, sur mon
avenir, sur la Vie. Tu me lisais, parfois tu me répondais laconiquement, et
parfois me skypait pour en discuter longuement, avec ce leitmotiv : reviens
à ici et maintenant.
Maintenant c’est l’heure de mon dernier mail pour toi.
Tu avais avec chacun de tes enfants une relation privilégiée.
Quand j’étais enfant, tu m’avais expliqué que l’Amour d’un
parent pour ses enfants ne se partageait pas mais était comme exponentiel.
Tu nous aimais autant chacun de nous trois, Jean Yves,
Christianne et moi : Néanmoins tu m’avais expliqué qu’avec l’ainé des
enfants, c’était un peu différent car c’était la découverte et l’entière disponibilité de la paternité.
Je suis fière papa d’être ta fille ainée, je suis heureuse
d’avoir reçu en héritage des morceaux de toi : ho bien sûr quelques gènes
déficients qui nous ont fait souffrir toi et moi, mais surtout des valeurs et
des moments d’intense bonheur.
Voilà quelques instantanés de notre relation et des
souvenirs que je vais partager avec
cette assemblée venue te rendre hommage :
-
Je me souviens comme petite au Congo
je voulais toujours t’accompagner partout où tu allais. Un jour vers 4 ans,
j’ai franchi rivière et forêt avec mon légendaire sens de l’orientation,
bravant l’interdiction parentale, pour te rejoindre dans ta classe, quelle
fameuse aventure et quelle fierté d’y être parvenue, je t’avais retrouvé !
Et j’ai pu effacer le tableau pendant
ton cours malgré ta surprise et ton air pas très ravi au départ. ;)
-
Je me rappelle de la chasse aux oiseaux
avec les arcs, dans la forêt … quelle excitation !
-
Et le jour où tu avais lancé ton pied
dans la vitre de la maison en feu des amis voisins, pour essayer de sauver
quelques affaires et que tu t’es retrouvé par terre, le pied ouvert au tendon
d’Achille, plein de sang partout … la 1ère fois que je voyais mon
papa blessé (quelle engueulade nous avions reçu par la suite toi et moi de la
part de maman )
-
Et puis encore, mon 1er
enterrement avec Poum le chat, tu
m’avais emmenée au bord de la rivière pour l’enterrer et tu m’avais expliqué la
mort, la vie.
-
Je nous revois encore, beaucoup plus
tard, moi adolescente, discuter des heures le soir dans la cuisine de la maison
à Bxl, devant nos bols de glace, partageant nos réflexions sur la vie et le
monde
-
Et encore, la table de la salle à
manger où nous nous retrouvions tous après le souper, à étudier : toi tu
bossais pour ton diplôme d’expert-comptable à 40 ans. Et c’est là que tu as
rencontré Philippe, et par là même
Michèle, et nos familles s’en trouvent définitivement liées
-
Quel souvenir marquant le jour où
lors de mon premier chagrin d’amour tu m’avais dit : « c’est à toi de
vivre tes propres expériences, je ne peux pas te soulager de la douleur mais
sache que je serai toujours à tes côtés pour ramasser les morceaux et t’aider à
te relever »
-
Deux décennies plus tard je me retrouve malade , cancer du sein
et tuberculose hépatique : une étrange absence et une distance – tu me dis
que c’est une affaire de femmes mais c’est surtout un questionnement pour toi de
par la filiation paternelle certaine, ainsi qu’ une certaine défense, et culpabilité
même … par la suite te rendant compte que ce n’était malheureusement pas un
déboire passager (et après nos discussions lors desquelles je t’avais dit avoir
besoin de toi aussi pour traverser ces épreuves), tu m’as aidée à ramasser les
morceaux, à me soigner et à me relever (même si j’en boîte toujours). En effet
tu as géré et été présent tant psychiquement
que spirituellement, émotionnellement
et matériellement (et c’est grâce à toi et maman que je peux me soigner
correctement et vivre décemment).
-
Et l’un des derniers merveilleux souvenirs :
ta présence inattendue lors de mon anniversaire en juin dernier avec ta sortie
surprise de l’hôpital, pour être présent
et faire la fête ce jour-là à nos côtés.
Le fil rouge de tous ces
moments de vie ensemble, c’est l’amour réciproque que nous nous
portions, et le dialogue ouvert – pas à chaque fois aisé et même parfois avec
des étincelles mais toujours si authentique, respectueux et sincère.
Dimanche soir, en me mettant au lit, je me suis dit – fruit d’un
long travail et d’une réflexion de fond – qu’il était vraiment temps pour la
petite fille amoureuse de son père qu’elle mettait sur un piédestal, de couper
le cordon.
Et voilà que ce lundi matin tu t’en es allé de ce monde tangible
pour rejoindre les anges et la Vie de l’autre côté.
Je ne t’écrirai sans doute plus de mail mais compte sur moi pour
toujours te parler, je sais que tu m’entendras. Et que tu me répondras d’une
manière ou d’une autre, avec ton humour si personnel.
Je porte une part de toi en moi et j’en suis heureuse.
Mon père, ce Héros.
Marie
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