dimanche 2 février 2014

Face à Face avec un assassin

Je vais donc reprendre cette histoire du meurtre ...

Il y a une quinzaine d'années, je rentrais chez moi.
Je traverse la rue et arrivée quasi sur le trottoir d'en face je vois deux hommes courir dans ma direction comme des dératés, un 3ème à leur suite.

Je me dis "oups, ça c'est pas courir pour rien, on dirait une question de vie ou de mort", et j'entends un bruit qui ressemble à un bruit de pétard ... à un coup de feu en fait.

Le poursuivant venait de tirer dans le dos du 1er qui s'est tenu la poitrine sous le choc. Il continue de courir, malgré la douleur et je vois le rictus sur son visage.

Pan, deuxième coup de feu.

Moi j’avançais toujours lentement et je vois cet homme s'écrouler dans l'entrée d'un hôtel face à lui (son idée apparemment était de se réfugier dans cet hôtel).

Je continue - tout cela se passe comme dans un film, et cela se passe à la fois au ralenti et en même temps extrêmement rapidement.

Quand le tireur se retourne pour traverser la rue dans l'autre sens (et revenir à son point de départ) ... nous nous trouvons face à face, à 1m50 l'un de l'autre.
Lui son arme orientée vers mon ventre, nous nous regardons les yeux dans les yeux.

Le temps est suspendu pour moi "c'est ça mourir alors" ... et puis je lui dis "c’est pas mon histoire, ça ne me concerne pas"  et je me retourne pour poursuivre mon chemin sur mon trottoir.

Surpris, il décide finalement de continuer de traverser pour rejoindre sa voiture garée au coin d'une rue perpendiculaire à la chaussée. Il ouvre la porte côté conducteur, son arme toujours en main et attend son complice qui le rejoint en courant.
Ils s'engouffrent ensuite dans la voiture et foncent comme des malades pour disparaître au loin.

Pendant qu'il attendait je me dis "retiens leur visage, merde c'est trop difficile, alors la plaque de voiture et je la mémorise" tout en continuant mon chemin en dépassant l'entrée de la maison afin que s'ils se retournent, ils ne puissent voir où je rentre.

Je téléphone ensuite à la police et là, le doigt dans la machine judiciaire. PJ, Juge d'instruction (voilà mon téléphone au cas où vous recevriez des menaces, histoire de mafia et de blanchiment d'argent et de drogue entre ex soviétiques)

A l'époque je travaillais ... dans un service d'assistance aux victimes de violence.

Et je me retrouve de l'autre côté.

La reconnaissance derrière la vitre sans tain, la reconstitution photographiée, les Assises (21 ans pour le meurtrier), le jugement concernant le complice cassé par le juge par manque de preuves, l'aveu post procès et condamnation de l'assassin, le jugement par contumace du complice ...

J'aurai participé à l'histoire judiciaire de la Belgique, et je n'en suis pas sortie indemne.
J'ai vécu le traumatisme, le stress post-traumatique et expérimenté des techniques d'hypnose et d'EMDR pour retrouver un sommeil sans cauchemars lors desquels j'expérimentais toutes les façons de mourir (noyée, attaquée par couteau, dans une voiture sabotée dévalant des rochers, étranglée, par poison, etc, etc).

Peut être que j'aurais dû changer de boulot à ce moment là ? Cela reste une question.
Par ailleurs cette expérience m'aura apporté un ressenti et une connaissance de l'intérieur de ce que pouvaient vivre les personnes demandant de l'aide à notre service.

Et je n'oublierai jamais le visage de cet homme.

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