dimanche 22 juin 2014

Voyage en Toscane avec une Marie Jo (qui a plusieurs maladies et des séquelles/handicaps)

Bonjour lecteur, lectrice,

J'ai reçu en mars un voyage comme cadeau pour me "changer les idées et respirer un autre air que celui de l'hôpital" ...
Je suis donc rentrée avant hier, en plein délire pré-match des Diables Rouges pour le Mondial.
Un chauffeur de taxi nous attendait mon amie et moi pour nous reconduire at home ... le pauvre il a raté la 1ère mi-temps à cause de nous, surtout à cause des embouteillages monstres liés à ce match.
Enfin, rentrée chez moi, mon chat pot de colle et ... le silence.
Au début bienfaisant.
Et puis ... étant en compagnie constante (ou à peu près) pendant 10 jours, rentrer et se retrouver seule, il y a mieux !
En même temps, après ces vacances" pleines" je me retrouvais entre fatigue aiguisée, A/R aux wc (merci crohn), des téléphones,  mails et moi même, avec certains constats.

Je reprends mon post : je ne pourrai pas bien dormir si je ne pose pas tout ça sur "papier" ...

Voyager est possible !!

- D'abord le voyage m'a été gracieusement offert par un ami de la famille qui a de gros moyens, il a donc fait réserver des hôtels ChateauxRelais 5* à Florence (quartier Santa Croce) et en Toscane. J'y suis allée accompagnée d'une copine, je peux même dire amie maintenant. Voyage de 9 jours avec per diem compris, location de la voiture (apparemment en Italie on ne met pas les assurances en même temps que la location, méfiez vous si jamais, on vous le demande au moment où vous prenez la voiture et pensez à en demander le coût !!) et dernier soir avec repas gastronomique dans le dernier hôtel (qui était un village entier classé et rénové, propriété de 700 ha !). Donc des conditions fantastiques de confort.
- J'ai géré mon temps, mes entrées et sorties d'énergie, mes besoins (dormir min 12h par nuit) et les contraintes exogènes (petit déj jusqu'à 10h30 par ex) et endogènes (répartitions des couvertures douleurs par les médications en fonction de l'activité plus intensive, comme marcher beaucoup plus par ex) du mieux que j'ai pu ... mis à part quelques excès conflictuels genre on est dans le jardin Bardini plein de fleurs, de statues dont Folon, et d'escaliers (c'est le jour le plus chaud - 42 au soleil mais j'ai mon chapeau) après avoir marché de Santa Croce en traversant le pont à aubettes touristiques et pris le bus pour arriver au point de vue en hauteur que donne ce très beau jardin ... on se désaltère, on mange une glace et on décide de descendre les escaliers ... j'avais déjà pris pas mal de morphine et je me sentais relativement "bien", je descends une dizaine de marches et la cata : crise de douleur aiguë dans l'hypocondre droit càd le ventre et le dos du côté droit, du côté de l'hépatectomie et sa cicatrice de 30 cm qui m'entoure la taille, nausées et je ne sais plus avancer sinon je tombe dans les pommes (me suis déjà retrouvée aux urgences à cause de telles crises lors desquelles je fais une hépatolyse , que mes analyses sanguines sont mauvaises et qu'on me perfuse de la morphine et d'autres produits), bonheur je vois un banc à l'ombre sous un arbre, je m'y couche essayant de trouver la position la moins insupportable, après avoir pris mes gouttes schtroumphs (du rivotril/clonazepam) et 40mg de morphine qui fond dans la bouche, et avoir dit à C. : sorry, fais ce que tu veux mais moi boum attendre que la crise passe ... je l'ai vaguement vue passer et repasser voir, je pense que j'ai dû rester 40 min couchée et puis me sentant vaguement mieux, assez vaillante en tous cas pour repartir, nous avons fini notre périple. Hôtel et pour moi no souper.
- Je ne peux pas manger comme la majorité des gens : même parmi les personnes atteintes de Crohn, il y a des variantes dans les situations. En ce qui me concerne il y a aussi l'antécédent du foie coupé - et du coup de la vésicule biliaire - qui a repoussé sous chimio (et non, il ne repousse pas comme avant ! et ne fonctionne plus comme avant !) : je fais habituellement des petits repas/collations sur la journée, sans trop de fibres mais un minimum car la morphine et Crohn aussi peuvent être constipant, ni fruits, ni légumes et encore moins les crudités. Sinon je suis une gastro-entérite constante sur pattes ! Vous n'imaginez pas l'attirail qu'il faut avoir avec soi : lingettes les + neutres possibles, de l'huile d'amandes douces pour irriter le moins possible les muqueuses, du savon en gel pour les mains qu'on n'a plus besoin d'essuyer et qui permet une meilleure hygiène, du talc, des kleenex .. au minimum ! Je ne suis pas sensée manger gras hormis l'huile d'olives qui participe à la reconstitution cellulaire du foie, je ne supporte plus trop le lait sauf s'il est sans lactose et demi écrémé, éliminer des aliments sans gluten me fait du bien aussi. Et je suis une grande gourmande !!  J'ai donc composé avec ces restrictions et mon mode alimentaire et avec les repas italiens, picorant dans les antipastis, les primo, les segondo, pâtes, pizzas, desserts (aie aie), glaces ... de trattorias comme de restaurant étoilé.
Les buffets déjeuners étaient grandioses, on brunchait donc copieusement (au début je prenais juste mes biscuits spéciaux nutritionnels et l'américano avec la mousse de lait à côté mais au fur et à mesure du temps j'ai cédé à la tentation jusqu'à en être malade le dimanche qui fut donc mon jour de repos entier à dormir pendant que mon amie explorait les caves à vin et autres artisanats des environs de San Felice). Deux ou trois soirs j'ai fait l'impasse sur le souper copieux pour pouvoir tenir sur la longueur, et sur des crèmes glacées aussi !! Un exploit ! Et puis il y a les moments qu'on ne peut éviter quand on est crohnien ... on se fait un timing et ... une demi-heure de retard se glisse dedans à cause d'un plus long séjour à la salle de bain que prévu pour cause de diarrhées imprévues et de soins consécutifs.
- Je faisais genre 1 jour sur 2 une demi journée reposdodo après le petit déjeuner à 2, pendant que mon accompagnatrice explorait indépendamment de moi soit les musées, soit les endroits et petits villages perdus. Je faisais aussi des efforts à certains moments pour être plus avec elle en mode extérieur que si j'avais été seule. Et je profitais de certains trajets en voiture pour dormir, même 20 minutes.
- J'ai pris plus d'anti douleurs qu'en temps normal, ayant une activité physique (bouger, marcher, porter, digérer aussi, etc) plus intense qu'au quotidien pour couvrir les douleurs générées par ces gestes plus abondants et/ou inhabituels, et j'ai du coup changé la fréquence de certains médicaments, et avancer certains autres. Mais c'est au bout de quelques jours que je peux trouver le bon équilibre.

Il faut donc adapter ses comportements et aussi - surtout - que la personne qui accompagne soit souple, autonome, patiente, adaptative, compréhensive ... et se parler.

En l'occurrence, même elle, qui est de plus une aventurière baroudeuse, m'a dit qu'effectivement ça n'était pas facile de voyager avec moi.
Même moi je me suis dit que ça n'était pas aisé de voyager avec moi même ... ;)

Mais ... mais ça m'a donné envie quand même d'essayer de partir seule quelques jours pour un city trip - histoire de voir comment je gérerais cet ensemble d'éléments en étant seule ... si des vacances sont plus aisées ainsi aussi ?

Mais ... Vendredi j'ai du continuer ma campagne de vaccins non vivants puisque immunosupprimée et malheureusement le rappel du pneumocoque m'a occasionné les mêmes désagréments que la première salve soit état grippal, fatigue encore plus intense et fièvre.

Or ce samedi soir je voulais absolument aller voir un concert de mon meilleur ami (mon ex) avec son groupe créé lorsque la maladie a commencé à faire des dégâts avec un cancer de 1er stade du col de l'utérus (papillomavirus) et le cancer du sein, traités les deux en même temps (le premier passant du coup quasi inaperçu dans l'histoire car traité par une conisation bien large, secondaire par rapport à l'opération du sein).
Mon premier concert depuis très longtemps donc, moi qui ne suis plus à l'aise dans la foule par peur de recevoir un mauvais coup dans le ventre. En plus après avoir passé la journée couchée à prendre des dafalgans et autres médicaments pur faire descendre la fièvre, je n'étais pas en grande forme. Mais je voulais voir le groupe dans son entièreté, dans sa formation actuelle.
C'était vital pour moi, par rapport à un de ses membres précis.

J'y suis allée avec un ami, sa compagne et une copine à elle, qui sont donc passer me chercher en voiture.
Arrivés sur place, nous nous sommes établis dans le fond, à l'opposé de la scène (fête de la musique, en extérieur). Je suis partie backstage dire bonjour pendant le line chek puis je les rejoins peu après le début du concert.
Un moment je ne vois plus mon ami (je vérifiais régulièrement qu'ils étaient toujours bien derrière moi les trois) mais les deux femmes étaient toujours là.
Prise par le concert je ne fais plus trop attention et je bouge, je danse un peu. Le son est très fort.
Tout à coup la tête qui tourne (ça fumait de tous les côtés en plus), les jambes qui flageolent, ouille ouille, faut que je m'assois sinon je sens le sol se dérober bientôt sous mes pieds ... en catastrophe je me retourne espérant me raccrocher aux deux filles ... disparues sans me prévenir.

Moralité, heureusement que j'étais au fond, quasi adossée à la barrière qui entoure l'aubette de l'ingénieur du son (que je connais bien heureusement) et du technicien lumières.

J'ai donc demandé à leur ingénieur son si je pouvais m'asseoir sur une chaise (ouf ouf) qui se trouvait dans l'aubette, carrément.
Et j'ai donc passé la deuxième moitié du concert assise, à écouter sans voir ...
Le plus important était fait, de toute façon.

Mais c'est pas fantastiquement génial pour la confiance en soi et ça m'a un peu découragée, déstabilisée pour mettre en oeuvre cette idée de partir seule ... déjà que j'avais écrit dans la journée à une copine qui vit les affres du cancer du sein en ce moment (heureusement elle en est à la phase hormonothérapie donc à priori hors de danger ... à priori parce que je lui ai dit, tu verras, tu vas devoir vivre avec une épée de Damoclès sur la tête sans qu'elle n'interfère avec ta vie de tous les jours sinon ce sera bien trop  angoissant à supporter ... il arrive même qu'on "oublie" avec le temps, mais pas tout le temps), qu'elle se demanderait à certains moments pourquoi moi je m'en sors, je survis et pas l'autre à côté ... et justement, une des personnes vues ce soir se trouve dans la situation de l'autre.

Comme pour Patricia, j'aurais bien échangé ma vie pour permettre à cette personne qui a des enfants de continuer son chemin ... mais ça ne marche pas comme ça.

Je vais aller au lit, et demander à mon ange gardien de bien vouloir intervenir  et faire un miracle. C'est bien plus important que moi et mon envie de voyage seule. On verra, pour ça ...


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