mardi 2 décembre 2014

Le rapport au Corps Abimé

Difficile de ne pas être ambivalente dans le lien que j'ai avec mon corps : à la fois support des maladies, des maux et des douleurs ... temple de l'esprit et de l'âme  dont je veux prendre soin parce que malgré tout, il résiste et il est encore là.

(Ces dernières consultations, parce qu'on trouve lentement mais surement une sorte d'équilibre dans les traitements et leurs superpositions, j'ai entendu plusieurs fois les médecins me dire "On est revenu de loin quand même !" - "Beaucoup auraient abandonné en chemin" - Vous êtes bien plus résistante que vous ne le pensez" - "Regardez tout le chemin parcouru" - "Quel destin par le corps et l'esprit !" ...  des réflexions du genre qui se multiplient).

Comme une croisade pour rester en vie.

Alors oui mon corps a été malmené  - et l'est toujours, même si c'est moins critique : charcuté, opéré, troué, découpé, empoisonné (le poison est le remède aussi), faible, mourant, médicamenté, baxtérisé, transfusé, choqué, tombé, douloureux, choqué.

Mais il tient le coup, à chaque fois qu'il se remet et qu'il replonge pour une autre affection souvent consécutive aux précédentes ou aux traitements, il se relève. Il en sort ...

(Je me demande si les personnes qui n'ont jamais connu personnellement la maladie, l'opération ou l'accident, l'atteinte dans leur corps peuvent sentir ce que c'est d'être ainsi dans cet état de réduction, de fatigue qui n'a pas à voir avec la bonne fatigue d'une activité ou d'une soirée arrosée ?)

Comment l'aider à se renforcer ?
Je cherche, je trouve des parades : Reïki, massages, drainages lymphatique, kiné ... bouger dès que je peux, avec mesure. Le nourrir comme je peux et comme il l'accepte. Le repos, même si l'esprit s'agite. La concentration.
Mais il manque néanmoins de quelque chose d'important : les caresses et la tendresse d'autre(s) que moi (ben oui, je suis très "toucher", "ressenti"). Ne fut ce que tenir la main, caresser la nuque.

Je ne suis pas prête pour autant à le brader ! ;-) 

M'éloigner - plutôt prendre de la distance -  petit à petit de l'hôpital, ce lieu de survie et de restauration à la fois.
(J'y arrive, mais pas seule, j'ai encore besoin des autres qui m'accompagnent au gré des moments. Sinon je me casserai encore la figure, je tiens à un fil : vous n'imaginez pas comme c'est important pour moi d'être accompagnée, réellement accompagnée, quand je vais à l'hôpital ou ailleurs pour me soigner; paradoxalement c'est de plus en plus difficile tellement je suis saturée et imprégnée à la fois d'actes invasifs et d'annonce de mauvaises surprises. Je mesure par ailleurs la chance que nous avons en occident de pouvoir être soigné, à ce prix.)

Et encore,  il y a aussi un hiatus entre le corps visible - l'image extérieure,  et ce qui est interne.
L'état de la "machine"  : paradoxe du paraître plus jeune que je ne suis,  et rien de ce que j'ai traversé 
(cancer, maladies, chirurgies and Co) à un point que c'en est vraiment étrange, n'a laissé de traces visibles (d'autant plus quand je suis habillée) si ce n'est quelques cicatrices, au demeurant pas vilaines.
Moi je sens les traces, dans ma chair, dans les douleurs et les malaises, par exemple.
Mais pour l'oeil extérieur non averti : rien.
Et en réalité mes organes et l'état sont vieillis avant l'heure, abimés, usés, atrophiés pour certains ...

Mais ... ils vont ! A moi de les préserver encore.

Quand j'étais enfant, je m'étais rêvée en guerrière, sur un champ de bataille, pleine de cicatrices.

Là je peux dire à la gamine qui n'avait pas conscience que "c'est assez, c'est bon" ! 
Pas besoin de plus !
C'est étrange comme certaines pensées prennent forme dans le réel "à l'insu de son plein gré" : la 1ère fois que je me suis retrouvée dans le premier hôpital pour le premier examen déclencheur/découvreur du cancer, j'ai envoyé un sms un peu humoristique  à mes collègues :"j'ai pris un abonnement, je dois revenir" ...

Et puis, c'est aussi fantastique comme les ressources de l'être - son corps et son âme - sont généreuses. On n'a qu'un corps, on est obligé de l'occuper, alors faire la paix avec lui, le respecter et en prendre soin, c'est un joli cadeau qu'on se fait.

Maintenant c'est le repos, "l'hibernation", avant la floraison du printemps.

J'espère.

(les photos peuvent paraître impudiques à certains mais ce corps a tellement été "médicalisé" que la notion d'intimité en est sans doute biaisée et il est donné à voir sans malice, juste pour montrer qu'il a beau avoir été malmené, il peut encore être support au désir - ce ne sont que des images, pas le moi profond - et c'est valable pour chaque personne, au delà du paraître, je pense)








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